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Crises électorales : Bah Oury prophétise l’auto-suicide du régime

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Le président du parti de l’Union pour la démocratie et le développement (Udd) pose son regard sur la situation sociopolitique du pays.  Bah Oury soutient que le projet de changement constitutionnel cher au président Alpha Condé dénote «d’une violation de la Constitution et d’une volonté systémique de détruire la Guinée».  Il juge le processus électoral «suicidaire » et de nature à exposer le pays « au chaos».

Ancien ministre de la Réconciliation nationale, Bah Oury évoque les élections législatives et le  référendum tout en mettant l’accent sur l’incohérence des décisions du report du double scrutin au 22 mars 2020.

La Cedeao confirme les griefs de l’Oif 

Maintes fois reporté, le double scrutin législatif et référendaire est fixé au 22 mars par un décret du chef de l’Etat.

« Avant de parler de report commente Le président de l’Udd, il faut d’abord rappeler les fondamentaux. La question des élections dépend fondamentalement du fichier électoral. A maintes fois ces dernières années,  notre fichier a subi des audits, dont celui de 2018 réalisé par l’Union européenne (Ue), l’Organisation internationale de la francophonie (Oif), et Les Nations unies avaient recommandé que tous les électeurs repassent devant les agents recenseurs pour faire valider leur inscription. Ce qui aurait dû être fait du 1er au 31 d’octobre 2019. C’était dans une procédure d’assainir le fichier électoral. Paradoxalement, avec la bénédiction de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), ce fichier a été davantage corrompu et qui fait que les résultats ont été anachroniques que le monde entier a su qu’il n’était pas prêt de servir pour des élections.»

« L’Oif a fait un audit supplémentaire pour faire ressortir qu’il y aurait 2 millions 430 mille personnes figurant dans le fichier sans des pièces justificatives sur un total de 8 millions 300 mille électeurs. Par la suite, les autorités ont invité une mission des experts de la Cedeao à venir constater la qualité du fichier. Le pré-rapport publié à cet effet a été beaucoup plus déplorable en indiquant qu’en plus de 2 millions 430 mille, il y a 2 millions de personnes recensées à la base d’une attestation contresignée. Or, dans le cadre d’un recensement clair et objectif, cette procédure d’attestation contresignée devrait être une exception au lieu d’être la règle. En d’autres termes, pour justifier le recensement de mineurs, il a nécessité certainement un document qui ne peut être ni une carte d’identité nationale, un certificat de naissance. A priori, ça ne peut être que ces attestations contresignées. 2 millions 430 mille plus 2 millions dans un corps électoral estimé 7 millions 700 mille. Il ne peut pas y avoir d’élections avec ce fichier là si on veut être un peu cohérent et responsable. »

La Cedeao recommande que si la Guinée souhaitait aller rapidement aux élections, de mettre de côté les électeurs problématiques. Là-dessus, la réponse du président de l’Udd est claire comme l’eau de roche.

« Même en allant dans le sens de ce que la Cedeao et l’Oif ont préconisé à la Ceni, et que celle-ci aurait accepté par écrit comme quoi ils vont éliminer les 2millions 400 mille électeurs problématiques du point de vue juridique, vous n’avez plus le même corps électoral. Les cartes d’électeurs sont déjà imprimées et distribuées. Les bureaux de vote sont déjà établis sur la base de 7 millions 700 mille électeurs. Donc, tout cet ensemble existe déjà. Et pour éliminer cela, on doit repartir sur une autre base et tout revoir, le nombre de bureaux de vote, les listings, les cartes d’électeurs doivent être changées, pour ne pas qu’il y ait de confusion. Au point de vue juridique, l’article 62 du Code électoral dispose qu’en cas d’annulation, les électeurs sont convoqués à des nouvelles élections 60 jours après l’annulation. »

Relever le défi… 

Quelle sera alors la nouvelle action du Fndc et de l’opposition ? Bah Oury rappelle que le vendredi 13 mars, certains de ses « pairs insistaient sur la nécessité d’écrire à la Cedeao pour faire ressortir  le caractère de non exclusivité du nouveau processus et du non-respect du consensus pour que le fichier électoral puisse être acceptable. Mais, c’est clair, aujourd’hui, que l’article 62 du Code électoral invalide la convocation du corps électoral pour le 22 mars».

Puisqu’à cette allure, les  risques auxquels le pays s’expose sont nombreux et la Guinée s’achemine vers une nouvelle dimension de la crise électorale, le président Bah Oury trouve primordial que le pays soit aidé rapidement à « sortir de la crise en amenant le président de la République à renoncer à son projet de changement constitutionnel ». Car, si les faucons du régime « passent outre, ils vont plonger le pays dans le chaos ».

Et eux-mêmes, « par ce biais-là, accélèrent leur perdition, jure M. Bah Oury qui prévient que «quel que soit ce qu’il en sortira, ils ne pourront pas en sortir gagnants». En raison du fait que « ce processus électoral n’aura ni l’aval de la communauté nationale, ni la caution de la communauté internationale.

Le leader de l’Udd entrevoit même dans cette «forfaiture», «une perte de légitimité notoire» pour le régime Condé qui débuterait ainsi son «auto-suicide».

Donc, comment faire renoncer Alpha Condé à son projet, alors que tout a tout planifié son passage en force le 22 mars 2020?

Le leader politique sent  que les « principes de réalité l’amèneront à prendre en compte qu’il ne peut pas continuer comme ça.  Pas seulement les manifestations, il y a beaucoup d’aspects qui entrent en ligne de compte». Economiste de haut rang et, formateur internationalement reconnu dans le domaine des finances, M. Bah analyse que si Condé s’entête «le pays sera ingouvernable, économiquement, il sera sur le carreau». «Aujourd’hui, questionne le leader de l’Udd, le pouvoir d’achat est tellement bas, les prix ne font que monter, il y a une inflation de plus en plus grande. Vous croyez qu’un régime quelle que soit sa puissance peut résister à cette montée des crises économique et sociale ? Vous croyez que les Guinéens vont toujours continuer à serrer la ceinture face au gaspillage de leurs ressources ? Vous croyez que les Guinéens vont rester impassibles alors que leur pays est en train d’être détruit ? Il faut ouvrir les yeux et savoir qu’aujourd’hui une page est en train d’être tournée. Il est souhaitable que cette page soit tournée». 

Faire les choses correctement… 

Au cas où la Cedeao et l’Onu, toujours actives sur le dossier Guinée, parvenaient à sauver le régime de la dérive du 22 mars, faire un processus électoral sain nécessiterait un nouveau recensement et une nouvelle date pour les élections. Mais ce recommencement ne risquerait-il pas de cautionner un glissement du calendrier 2020 des élections législatives et présidentielles ?

« Nous devons avoir un fichier électoral correctement établi à travers, si nécessaire, un nouveau recensement général de la population et de l’habitat en Guinée à partir duquel sera conçue, recto verso  la carte d’identité nationale et d’électeur.  Si on parvient à le faire en ce moment, la Guinée aura un fichier sur la base de laquelle le prochain président  de la République pourra gouverner avec plus de calme et de sérénité et ainsi, développer le pays. Cela prendra le temps que cela prendra. Moi, ce qui m’importe, franchement, c’est le résultat de ce processus qui va être mis en place pour une sortir de crise définitive. Glissement ou pas, ça n’a pas d’importance. Si on bâcle le processus, on aura les mêmes problèmes dans 10 ans encore. Et moi, je ne veux pas que la Guinée continue dans cette lancée. La Guinée doit changer radicalement de voie  pour que le pays soit mieux gouverné dans les prochaines années et faire face aux exigences du monde contemporain. On ne pourra pas y parvenir, tant que nous ne sommes pas sérieux.  Si on ne fait que tricher avec nous-mêmes et qu’on ne respecte aucune procédure juridique minimale. Mais ce qui se passe aujourd’hui, c’est une volonté systémique de détruire la Guinée. »

Ibn Chambas, le représentant spécial des Nations unies en Afrique de l’Ouest a rencontré récemment les leaders du Fndc. Avant d’entamer une quelconque négociation avec le pouvoir, Bah Oury égrène les conditions posées par le Fndc et l’opposition à M. Chambas.

« Premièrement, le président de la République doit renoncer au changement constitutionnel. C’est à ce moment-là que le dialogue pourra s’inscrire dans un contexte plus rasséréné avec une possibilité de mettre en place une feuille de route qui prendrait en compte nos problèmes politiques et électoraux. Il faut aller au fond des choses pour que permettre véritablement à notre pays de sortir de cette crise par le haut». 

M. Bah Oury rappelle que «nous avons saboté l’espérance de 2007» sous Conté. «Nous avions cru qu’en mettant certains ça pourrait avancer. Nous avons restauré juste un ordre déjà dépassé. En 2010, au lieu de faire les choses correctement, on s’est englué dans une situation où l’immobilisme  mental a été exploité pour figer la société dans des querelles ethnocentriques. Cette fois-ci, il faut que les choses soient faites correctement. »

Dans la phase actuelle, la posture du régime Condé est d’organiser les élections. Les tenants de son pouvoir « veulent coûte que coûte avoir un semblant d’Assemblée nationale pour faire en sorte que le référendum couplé aux élections législatives puisse être acté». Pour sa part, M. Bah reste convaincu que « ce fichier et cette volonté de faire un référendum (qui) ne correspondent pas aux textes des lois, ne peuvent servir de base légale et opérationnelle et de processus électoral permettant de sortir le pays de cette crise ».

Il est donc primordial de compter sur les actions de bon voisinage entreprises par les hauts dignitaires de la Cedeao seuls capables de faire soigner le patient guinéen.

Par  Le Populaire

 

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