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Guinée : Et si l’armée avait son propre syndicat

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Aux origines de la violence de nos services de sécurité et de défense, il y a une éternelle frustration de ceux qui exécutent les ordres

Depuis la mise en place de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) le 1er novembre 1958, nous avons très peu porté attention à leurs véritables problèmes, qui sont très nombreux, parmi lesquels on peut citer : le manque de syndicat pour défendre les hommes face à la dictature des chefs, les bas salaires, le manque de formation, la politisation  à outrance, la corruption et le népotisme  dans les rangs, c’est tout ce cocktail qui  me fait parler

… Oui, dans l’armée, la police, il faut des syndiqués ! Très souvent, quand les gens parlent des syndicats; ils voient des indisciplinés, etc., ils oublient les causes qui motivent l’existence des syndicats à savoir, notamment l’injustice! Ce qu’il faut savoir, c’est que la formation militaire ne fait pas  d’eux  des immortels ou des extraterrestres. Ils ont  des familles comme nous autres ; c’est d’ailleurs la construction et le maintien de la cellule familiale qui fait qu’ils ont  «une patrie» qu’ils défendent.  Et généralement, il revient très souvent dans leur tête ces expressions : «toi tu défends la patrie, qui te défends ; toi?» Oui, qui les  défend ? Qui  défend les  frères d’armes ? Qui doit interpeller la hiérarchie lorsqu’elle se fait muette et complice de leurs misères sur les champs de bataille ? Le peuple leur  a certes mandaté pour sa sécurité ; mais il est clair qu’un soldat sans armure va en suicide !

S’il y’avait un syndicat au sein de nos FDS, il y’auraient certains qui refuseraient d’exécuter  les ordres manifestement illégaux, ils dénonceraient ceux qui donnent des ordres pour tuer nos compatriotes. Tout ça, avec espoir que leur syndicat  les défendra  face aux chefs corrompus.
Au stade  actuel des choses, tant que ceux qui exécutent ces ordres  sont exposés à la merci des chefs, nous prêchons dans un désert. Sachons le bien nos militaires, gendarmes et policiers ne sont protégés que par leurs chefs qui, décident, de leur carrière et même parfois de leur vie. Donc ils leur doivent obéissance totale.  C’est aussi, la Guinée.

La question des bas salaires est presque  générale en Guinée, mais à des degrés différents.  Une immersion faite au sein des FDS vous permettra de comprendre plus le problème.  Tenez, un Adjudant de la police perçoit une modeste somme d’un million quatre cent mille de nos francs, à peine 140 dollars, un Lieutenant de police perçois à son tour une somme d’un million cinq cent cinquante-trois mille.  Dès lors, vous comprendrez que les autres corps ne sont pas plus garnis que la police aussi, la seule différence, chaque policier guinéen reçoit un sac de riz, quel que soit le grade, alors qu’au niveau des autres corps, le ravitaillement est fonction des grades.

La corruption, dès lors s’impose à ces agents pour subvenir aux besoins.  Bonjour les rackets  sur les voiries urbaines, le long des routes nationales, au niveau des barrages, des postes frontaliers, les combines pour la délivrance des passeports et des cartes d’identité.
Cette corruption est d’ailleurs plus visible lors des recrutements, comme dans tous les services en Guinée, les moments de recrutement  sont l’objet de grandes affaires pour les business men des boîtes. Ils négocient les places contre des espèces sonnantes. Les plus méritants sont laissés sur le carreau et les mieux payant sont retenus pour la suite. Parfois, les enfants qui n’ont pas leurs places dans les familles, sont pris en priorité, juste une façon pour les parents de se débarrasser d’eux, sans enquête de moralité. Ainsi, les retenus, sachant bien qu’ils doivent leur place  aux  chefs  et non à leur mérite, sont obligés de respecter les ordres, fussent-ils illégaux, « on s’en fou ».

Le manque de formation, c’est évident.  Cachons les nez et non les vérités, nos services de sécurité manquent de formation,  de conditions nécessaires pour se former.  Il n’est pas rare de trouver à Conakry un policier qui réglemente la circulation alors que lui-même n’a pas un  permis de conduire, ou un gendarme qui joue le rôle du policier et le militaire qui se trouve à un barrage à la place du policier.  J’ai eu la honte de ma vie quand un jour de 2018, au mois de mars, au barrage de Kouria, à une soixantaine de kilomètres de Conakry, un militaire souffla à un Libanais qui voyageait dans le même véhicule que moi, « la carte consulaire n’est pas valable en Guinée, il faut payer avant de passer », Dieu seul sait aujourd’hui. Le Libanais, avait répondu de sorte que je me sentais très mal à l’aise, mais à vrai dire, il avait raison. Nous étions obligés de lui dire, « Grand, Inondi, dignè », Quelle abomination ?

La politisation à outrance, il n’est pas rare de trouver nos militaires aux postes de ministres, de gouverneurs, de préfets, sous- préfets… sans aucune formation préalable en administration juste parce qu’ il a servi le patron en dehors des circuits normaux.
Nous avons parfois l’implication dans le débat politique des militaires et policiers de haut rang, ce qui est d’ailleurs une violation de leurs statuts.
Nos services de défense et sécurité sont divisés en 2 catégories : les riches, environ 5% des FDS, les chefs, ceux-ci gèrent l’intendance, la logistique, les comptables-financiers au ministère de la sécurité, ceux qui sont au niveau des postes frontaliers (Terre, Mer et Air), au niveau des barrages.
La deuxième catégorie, la classe des pauvres,  ils vivent dans les garnisons, les CMIS, … Ils ne survivent que de leur salaire, ce qui fait d’eux  des arnaqueurs, des racketteurs.

Que faire pour arrêter cette situation ?  Certes il y’a eu des réformes. Mais il faut reconnaître que les réformes ont fait plus de bruit que de résultats.
Aujourd’hui, il faut solliciter un débat national (Etats généraux de la défense et de la sécurité).  Là, on pourra évoquer les recrutements, la question des soldes, la gestion des carrières,  la professionnalisation de nos FDS, la mise en place des écoles de métiers pour les FDS afin de les mettre au travail….
Lorsque le travail sera correctement fait, nos FDS comprendront qu’ils n’ont pas le droit de tuer les populations guinéennes, mais plutôt, ils ont l’obligation de les protéger, ils sont soumis aux devoirs patriotiques et non à la volonté d’un homme ou d’un régime.  Et qu’en agissant contre le peuple, ils peuvent être poursuivis comme tous les autres guinéens.

Par Robert Kamano, citoyen guinéen qui pleure les nombreuses victimes des manifestations socio politiques en Guinée.

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