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Guinée : un juriste tire la sonnette d’alarme sur l’augmentation effrénée du nombre de conseillers à la Présidence de la République

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NOTE D’ANALYSE N SC/ 001/ 2020 –

Dans ce contexte de récession économique et financière globale sans précèdent, exacerbée par une austérité budgétaire dans les Etats, la tendance serait de diminuer les dépenses publiques. Ce qui permettra aux Etats de concentrer leurs efforts sur les priorités de base de leurs populations et préparer la relance post – COVID 19.

En dépit des discours et promesses politiques, la confiance des populations guinéennes au pouvoir politique est assez corrodée. Cette crise de confiance trouve un fondement certain dans les dysfonctionnements de l’appareil-Etat qui génère un sentiment partagé de mal gouvernance généralisée, caractérisée par un manque de redevabilité et de sanction. Ainsi, de l’avis du citoyen lambda, entre autres, la prolifération des ministères et l’augmentation effrénée des conseillers à la Présidence de la République sont pointées du doigt comme un signe de renoncement et de démission à la mission de satisfaction des priorités des populations meurtries par une classe dirigeante d’arrivistes et opportunistes.

Aujourd’hui, il urge de défendre cette population guinéenne qui n’a que trop souffert. C’est pourquoi, dans les lignes qui suivent, nous dégagerons les incongruences liées à cette situation, sur un point de vue formel et substantiel.

Sur le plan formel, on se demanderait de la pertinence du rôle de cette pléthore de conseillers à la Présidence, si tous les actes d’autorité pris violent les bonnes pratiques et l’orthodoxie gouvernementale et administrative. C’est le sens de la restructuration récente du Gouvernement. En principe, bien que rectifié en partie par un deuxième décret, le Président de la République devrait être conseillé de prendre trois décrets portant respectivement (i) restructuration du Gouvernement, (ii) nomination d’un Premier Ministre et (iii) nomination des membres du gouvernement. Cette situation créa une ambiguïté et nous amena à nous poser un certain nombre de questions, à savoir : (i) le fondement légal des nouveaux ministères créés, (ii) la primauté du Premier Ministre sur les autres ministres (est-ce un Premier Ministre ou Premier des Ministres, d’autant plus qu’ils sont sur le même décret).

Sur le fond, on se demanderait si les conseillers, a priori, procèdent à des évaluations et aux consultations avant toute réforme institutionnelle et surtout gouvernementale. Dans le contexte actuel, la tendance serait de grouper les ministères au lieu de faire un émiettement des départements ministériels, avec son corollaire de besoin humain, financier et matériel. Cependant, lorsqu’une vision guidée conduira à grouper ces ministères selon les axes stratégiques, des problèmes de sureffectif se poseront. Aurons-nous recours au dégraissage de la Fonction Publique ? Ou à la suspension des recrutements pendant une période donnée ? Ce qui serait injuste pour les générations futures. Ainsi, il convient de se départir de la pratique de recrutements irréguliers et opaques à la Fonction Publique, et encourager les initiatives privées, ainsi que de promouvoir les investissements privés qui absorberont les jeunes diplômés.

La Guinée, avec environ 13 millions d’habitants, a-t-elle besoin de 38 ministères et d’une pléthore d’anciens ministres, conseillers à la Présidence ? En réponse, nous dirons non, car ceci entrainerait des risques de conflits de compétence fonctionnelle et matérielle. De même, la charge financière des ministres (et leurs cabinets) et des conseillers coûtera plus à l’Etat, qui ne pourra donc, faire face aux priorités de développement. Légitimement, on se poserait la question de savoir si la mission du gouvernement ne se résume qu’à payer ses ministres et conseillers en faisant fi aux priorités de ses populations martyrisées.

De ce qui précède, il urge de prendre certaines mesures sensibles aux besoins et priorités des populations guinéennes. Au nombre desquelles, nous recommandons de :

i) Réduire le nombre de ministères et de postes de conseillers à la Présidence selon les axes stratégiques prioritaires de l’Etat pour éviter les dépenses massives ;

ii) Respecter dorénavant l’ordre juridique, la pratique et l’orthodoxie administrative et gouvernementale dans la prise de décision impactant sur le statut quo ante ;

iii) Evaluer l’impact des décisions gouvernementales et administratives avant toute décision, et consulter les populations (voire par sondage objectif) pour orienter dans la prise des décisions du Gouvernement ;

iv) Tenir compte de la compétence, du mérite et de l’intégrité (et non le militantisme et/ou le régionalisme) dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de nomination

v) Encourager et promouvoir les anciens ministres à une autre vie professionnelle comme la Fonction publique internationale, la recherche, consultance, …

Sékou CAMARA, Juriste
Spécialiste en Réforme des Secteurs de Sécurité et Justice, Etat de droit, Gouvernance et Paix.
Email : sekucamara@hotmail.com

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