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Une formule mathématique qui détermine la part des enfants vulnérables en matière de partage de succession [Par Hassane II Diallo]

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(Autre que celle proposée à travers un article de la revue de droit privé guinéen, JuriGuinée, no 3 octobre-décembre 2019) 

Proposée par Hassane II DIALLO, Magistrat, Conseiller principal

du ministre de la Justice – République de Guinée

Tél. (+ 224) 664 24 99 57 ; E-mail : dhassane302@yahoo.fr ) 

  • Contexte et justification

Souvent dans nos familles, il se trouve qu’au décès des père et mère ou autre ascendant, certains enfants sont déjà majeurs et économiquement autonomes, alors que d’autres sont simplement conçus ou en âge d’aller à l’école ou non ou déjà à l’école ou encore des apprentis ou, en tout cas, des enfants vulnérables, c’est-à-dire qui éprouvent de réels besoins d’assistance pour leur santé, leur éducation et leur bien-être.

D’ailleurs, certains enfants majeurs, parfois-même non économiquement autonomes, profitent de leur position dominante pour tenter, souvent à l’occasion de la dernière maladie du défunt, d’accaparer certains biens de la succession ou, après le décès, pour s’autoproclamer ‘’administrateur de la succession’’. Cela est encore plus vrai, s’ils ont en face d’eux des enfants mineurs ou, en tout cas, vulnérables issus d’un autre père, en cas de décès de la mère, ou d’une autre mère, en cas de décès du père.

Quelquefois-même, ils ne sont pas réellement affectés par le décès, s’ils n’en sont pas, d’une manière ou d’une autre, à l’origine.

A l’évidence, cela peut arriver aussi bien dans les familles polygames que dans les familles monogames recomposées après le divorce ou le décès du mari ou de la femme.

Cependant, de nos jours, dans la plupart des pays notamment de tradition francophone, y compris la Guinée, la loi prévoit que les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autre ascendant par égales portions et par tête, sans donc tenir compte ni des intérêts supérieurs des enfants mineurs ou, en tout cas, vulnérables ni des efforts inestimables déjà fournis par le défunt de son vivant en faveur de ses enfants devenus majeurs et économiquement autonomes.

La présente formule mathématique, conçue grâce à Dieu par un non mathématicien, a justement pour objet de permettre de corriger ces lacunes. A cet effet, elle se veut à la fois simple, objective et dissuasive.

– Simple, parce qu’elle est facile à appliquer même par des non mathématiciens, y compris les juges souvent appelés à régler des affaires de succession impliquant, le plus souvent, des enfants mineurs ou, en tout cas, vulnérables ;

– Objective, parce qu’elle permet de prendre en compte les intérêts des enfants vulnérables qui ont comme cohéritiers des enfants majeurs et économiquement autonomes. Plus exactement, elle permet de partager la succession de manière que la part héréditaire d’un enfant vulnérable soit deux fois supérieure à celle d’un enfant majeur et économiquement autonome et ce, quel que soit le nombre des enfants ayant la qualité d’héritier. En d’autres termes, elle ne s’applique pas s’il n’y a aucun déséquilibre, c’est-à-dire lorsque les enfants appartiennent à la même catégorie, ceux-ci succédant alors à leurs père et mère ou autre ascendant par portions égales ;

– Dissuasive à l’égard des enfants majeurs, économiquement autonomes et parfois mal intentionnés, car ceux-ci, sachant qu’ils gagneront moins que les enfants vulnérables à l’issue du partage de la succession le moment venu, n’auront plus intérêt à avoir notamment les velléités spécifiées plus haut ; du coup, tous les enfants auront réellement intérêt à ce que leurs ascendants vivent aussi longtemps que possible.

Cela dit, l’on pourrait à présent s’interroger sur la nature du texte juridique qu’il convient de faire  prendre pour conférer à la formule en question un caractère contraignant.

A cet égard, en Guinée, tout comme d’ailleurs dans bien d’autres pays francophones d’Afrique, par exemple, la Constitution prévoit que les questions relatives notamment aux successions et au régime de la propriété relèvent du domaine de la loi.

Or, le partage en matière successorale auquel la formule proposée entend s’appliquer est une question relative, à la fois, aux successions et au régime de la propriété.

Il s’ensuit qu’à ce jour, la formule proposée devra être consacrée par une loi pour être applicable notamment dans ces pays.

Dans cette perspective, la formulation de la présente rubrique et celle de la rubrique suivante pourraient respectivement aider à l’élaboration de l’exposé des motifs de la loi et de la loi elle-même.

Cette dernière, qui entend renforcer la protection particulière due notamment aux enfants vulnérables, pourrait être intitulée : « Loi portant modalités de partage de la succession des père et mère ou autre ascendant entre leurs enfants ayant la qualité d’héritier ».

Le texte proposé ci-dessous, au titre de cette loi, s’articule autour de cinq articles : le premier indique l’objet de la loi ; le deuxième pose des principes généraux ; le troisième définit les différentes catégories d’enfants ; le quatrième fixe les modalités de partage de la succession entre les enfants relevant de catégories différentes, tout en accordant une attention particulière aux enfants vulnérables ; le cinquième et dernier article est consacré aux dispositions finales.

 

Telle est l’économie de l’avant-projet de loi qui consacre la formule mathématique permettant de prendre en compte les intérêts des enfants vulnérables dans le partage de la succession laissée par leurs père et mère ou autre ascendant.

  • FORMULATION PROPOSEE AU TITRE DE L’AVANT-PROJET DE LOI

Celle-ci est la suivante : 

avant-projet de Loi portant modalités de partage de la succession des père et mère ou autre ascendant entre leurs enfants ayant la qualité d’héritier

 

L’Assemblée nationale,

 

Après en avoir délibéré, adopte en sa séance ordinaire du …. la loi dont la teneur suit :

 

Article premier : La présente loi a pour objet de fixer les modalités de partage de la succession des père et mère ou autre ascendant entre leurs enfants ayant la qualité d’héritier.

 

Article 2 : Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autre ascendant sans distinction de sexe ou de primogéniture, et peu importe qu’ils soient issus d’unions différentes.

 

Ils succèdent par tête, s’ils sont tous au premier degré et appelés de leur chef ; ils succèdent par souche, s’ils viennent tous ou en partie par représentation.

Les enfants d’une même catégorie succèdent, en outre, par égales portions.

Article 3 : Au sens de la présente loi, il existe deux catégories d’enfants : les enfants vulnérables et les enfants économiquement autonomes.

Appartiennent à la catégorie des enfants vulnérables :

  • les enfants simplement conçus, sous réserve qu’ils naissent vivants et viables ;
  • les enfants en âge préscolaire ;
  • les enfants en âge d’aller à l’école ou qui sont déjà à l’école, y compris dans les écoles professionnelles ou à l’université ;
  • les apprentis ;
  • les autres enfants économiquement dépendants.

Article 4 : En présence des deux catégories d’enfants énumérées à l’article précédent, la part héréditaire d’un enfant économiquement autonome ou de ses descendants est deux fois moins élevée que celle d’un enfant vulnérable.

Elle correspond au résultat obtenu en divisant la valeur totale des biens revenant à l’ensemble des enfants habiles à succéder au défunt par la somme du nombre d’enfants économiquement autonomes et du double du nombre d’enfants vulnérables. Elle est, par conséquent, calculée selon la formule suivante :

V

x = ————

a + 2 b

 

Dans cette formule :

 

– ‘’x’’ représente la part héréditaire de l’enfant économiquement autonome ou de ses descendants ;

 

– ‘’V’’ représente la valeur totale des biens revenant à l’ensemble des enfants habiles à  succéder au défunt ;

 

– ‘’a’’ représente le nombre d’enfants économiquement autonomes ;

 

– ‘’b’’ représente le nombre d’enfants vulnérables.

 

La part héréditaire de l’enfant vulnérable est calculée selon la formule suivante : y = 2x.

 

Article 5 : La présente loi, qui prend effet à compter de sa date de promulgation, sera enregistrée, publiée au Journal officiel de la République et exécutée comme loi de l’Etat.

 

 

 

 

 

  • QUELQUES CAS PRATIQUES

 

Premier cas de figure : Le défunt (père, mère ou autre ascendant) a laissé comme habiles à lui succéder 4 enfants, tous majeurs, mariés et exerçant, chacun, un métier, et la valeur totale des biens successoraux revenant à ces enfants s’élève à la somme de 100 000 000 GNF

 

– Etant tous mariés et exerçant, chacun, un métier, ces 4 enfants appartiennent la catégorie des enfants économiquement autonomes, au regard des dispositions de l’article 3 ci-dessus. Et puisqu’aux termes de l’article 2, in fine, les enfants d’une même catégorie succèdent par égales portions, il s’ensuit que la part héréditaire de chacun des 4 enfants sera de :

100 000 000 GNF : 4 = 25 000 000 GNF.

 

Deuxième cas de figure : Le défunt a laissé comme habiles à lui succéder 5 enfants, en l’occurrence 2 enfants en âge préscolaire, 2 qui sont élèves au collège et 1 qui est élève au lycée, et la valeur totale des biens successoraux revenant à ces enfants s’élève à la somme de 100 000 000 GNF

 

– Ici, le trait commun des 5 enfants est qu’ils sont tous économiquement dépendants, c’est-à-dire qu’ils appartiennent tous à la catégorie des enfants vulnérables et ce, sur le fondement des dispositions de l’article 3, alinéa 2, ci-dessus. Par conséquent, en vertu des dispositions de l’article 2, in fine, la part héréditaire de chacun d’eux sera de : 100 000 000 GNF : 5 = 20 000 000 GNF.

 

Troisième cas de figure : Le défunt a laissé comme habiles à lui succéder une femme en grossesse de deux jumeaux selon une expertise médicale et 4 autres enfants, en l’occurrence un apprenti-mécanicien âgé de 18 ans, un élève de 21 ans qui étudie dans une école professionnelle, un étudiant à la faculté de droit, âgé de 23 ans et un malade mental de 27 ans, tandis que la valeur totale des biens successoraux revenant à ces enfants s’élève à la somme de 100 000 000 GNF

 

– Là  aussi, le trait commun de ces 6 enfants est qu’ils sont tous économiquement dépendants, c’est-à-dire qu’ils appartiennent tous à la catégorie des enfants vulnérables, même si certains d’entre eux sont déjà majeurs.

 

En outre, en ce qui concerne les enfants jumeaux, ceux-ci, bien que n’étant pas encore nés, ont tout de même la qualité d’héritier, sous réserve de naître vivants et viables, ainsi que le prévoit l’article 3, alinéa 2, ci-dessus.

 

En vertu des dispositions de l’article 2, in fine, les 6 enfants se partagent à égalité leur part héréditaire globale, soit 100 000 000 GNF : 6  = 16 666 666 GNF.

 

Toutefois si, par la suite, la condition fixée par l’article 3, alinéa 2, ne se réalise pas, c’est-à-dire si l’un des jumeaux ou les deux ne naissent pas vivants et viables, il va sans dire que la part héréditaire correspondante devra être partagée à égalité entre les autres enfants.

 

Quatrième cas de figure : Le défunt a laissé comme habiles à lui succéder 8 enfants dont 3 sont économiquement autonomes, et la valeur totale des biens successoraux revenant à ces enfants s’élève à la somme de 100 000 000 GNF

 

– Ici, on est en présence des deux catégories d’enfants énumérées à l’article 3 ci-dessus, puisqu’il y a 5 enfants vulnérables et 3 enfants économiquement autonomes. Alors, la formule prévue à l’article 4 ci-dessus s’applique.

 

La part héréditaire de chacun des 3 enfants économiquement autonomes sera alors de :

 

V         100 000 000 GNF     100 000 000 GNF

x = ———- = ———————- = ———————- = 7 692 307 GNF

a + 2 b           3 + (2 x 5)                      13

 

Quant aux 5 enfants vulnérables, la part héréditaire de chacun d’eux sera de : y = 2 x

= 7 692 307 GNF x 2 = 15 384 614 GNF.

 

Cinquième cas de figure : Le défunt a laissé comme habiles à lui succéder 8 enfants dont 3 enfants vulnérables, et la valeur totale des biens successoraux revenant aux 8 enfants s’élève à la somme de 100 000 000 GNF

 

– Ici également, on est en présence des deux catégories d’enfants, telles que prévues à l’article 3, alinéa 1er, ci-dessus ; mais à l’inverse du cas précédent, il y a 5 enfants économiquement autonomes et 3 qui sont vulnérables. Il s’ensuit que là aussi, ce sont les dispositions de l’article 4 qui sont applicables pour le partage de la succession.

 

Ainsi, la part héréditaire de chacun des 5 enfants économiquement autonomes sera de :

 

V           100 000 000 GNF      100 000 000 GNF

x = ———– = ———————- = ———————- = 9 090 909 GNF

a + 2 b           5 + (2 x 3)                       11

 

Il s’ensuit que la part héréditaire de chacun des 3 enfants vulnérables sera de : y = 2x              = 9 090 909 GNF x 2 = 18 181 818 GNF.

 

Sixième cas de figure : Un mari monogame a avec son épouse 5 enfants qui sont tous devenus majeurs et économiquement autonomes. Par la suite, la femme décède. Il épouse alors, en secondes noces, une autre femme qui lui fait 2 enfants âgés, l’un, de 5 ans et, l’autre, de 2 ans. Par la suite, lui-même décède. Quelle est la part de chaque enfant dans l’héritage laissé par ce mari, étant donné que la valeur totale des biens successoraux revenant à l’ensemble des enfants s’élève à la somme de 100 000 000 GNF ?

 

– A l’évidence, cette hypothèse peut être assimilée à celle d’un mari polygame qui décède en laissant derrière lui 5 enfants majeurs économiquement autonomes, issus de sa première épouse, et 2 enfants mineurs et donc vulnérables, issus de sa deuxième épouse. Dans tous les deux cas, les dispositions de l’article 4 sont alors applicables.

 

Autrement dit, la part héréditaire de chacun des 5 enfants économiquement autonomes sera de :

 

V           100 000 000 GNF      100 000 000 GNF

x = ———– = ———————– = ——————— = 11 111 111 GNF

a + 2 b            5 + (2 x 2)                        9

 

Du coup, la part héréditaire de chacun des 2 enfants vulnérables sera de : y = 2 x

= 11 111 111 GNF x 2 = 22 222 222 GNF.

Conakry, le 16 mars 2020

 

 

 

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