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Bac 2020 à Sérédou : la formation de toute une génération sacrifiée

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Au Baccalauréat unique session 2020, le nombre d’admis et le classement en sciences expérimentales au lycée de Sérédou constituent un record. Par exemple, la 4ème, le 5ème et le 8ème de la République sont tous issus de cette école. Certes, élèves, parents et encadreurs en sont contents. Mais ce ‘’succès’’ est loin d’être un mérite.

J’ai pris tout mon temps pour parcourir la liste des 500 premiers de la République en Sciences expérimentales. Parmi eux, 67 sont du lycée de Sérédou. Mieux, sur les 100 premiers de la République, 19 sont de Sérédou : les 4ème, 5ème, 8ème, 12ème, 24ème, 32ème, 36ème, 44ème, 54ème, 57ème, 59ème, 63ème, 69ème, 74ème, 75ème, 85ème, 87ème, 94ème et 98ème. Ils ont tous affronté les épreuves dans le même centre d’examen à Macenta, chef-lieu de la préfecture.

Dans ce lot, 8 admis sont des candidats libres dont le 5ème et le 8ème de la République. Un candidat libre est un élève qui a échoué 2 fois à un examen. Sa candidature ne peut être reçue qu’à la direction préfectorale ou la direction communale de l’éducation.

Les élèves de Sérédou sont-ils les plus intelligents du pays pour représenter à eux seuls les 19% des 100 premiers et les 13,4% des 500 premiers admis du pays en sciences expérimentales ? Les enseignants du lycée de Sérédou sont-ils des savants ? Non !

Je ne sais pas s’il y a un lycée en Guinée dont le nombre d’élèves peut atteindre celui de Sérédou. En 2020, 2494 candidats, toutes options confondues (sciences sociales, mathématiques et expérimentales) ont fait le Bac. 1759 ont été admis.

Chaque année, les élèves affluent dans cette école. Ils viennent de Macenta, de N’Zérékoré et d’autres localités. Les frais d’inscription enrichissent les responsables de la direction. Certains suivent les cours ailleurs et ne viennent à Sérédou que pour passer le Bac. C’est le cas d’un des ‘’lauréats’’ de cette année. Ils sont tous attirés par la facilité de réussir favorisée par la magouille savamment entretenue sur place. De nombreux enseignants dont la pédagogie ne fait l’ombre d’aucun doute me l’ont témoigné, avec le cœur meurtri. Ils s’accordent à dire qu’après ma génération, la qualité de l’enseignement s’est fortement dégradée.

Le Baccalauréat unique session 2020 est l’un des plus mal organisés du pays, m’a confié un ami, responsable dans un lycée à Conakry. En cause, la tricherie qui l’a caractérisé.

‘’La tolérance zéro’’ était un simple slogan. Des candidats ont utilisé des téléphones pour communiquer avec le monde extérieur et entre eux à travers WhatsApp et Messenger. C’était général dans le pays. Il y a sûrement eu pire que ça à Macenta, au centre d’examen où les candidats de Sérédou en sciences expérimentales ont composé.

Depuis plusieurs années, les différents succès au lycée de Sérédou font polémique dans la contrée. Certains mettent en cause le système de fraude instauré par la direction de l’établissement couvert par les délégués corrompus qui empochent des millions en échange de leur silence.

Je suis fils de Sérédou et pur produit de l’école locale. Je suis fier de la formation que j’ai reçue de la maternelle au lycée. Je me suis classé 50ème de la République en 2008 au Baccalauréat unique grâce à mes propres efforts, à ma valeur intrinsèque. Je n’avais compté que sur mes cours et révisions. Et aucun surveillant n’avait écrit un seul mot au tableau pour nous aider. Mais les temps ont changé.

Il y a de bons enseignants au lycée-collège de Sérédou. Ils m’ont tous enseigné. Mais les conditions d’études actuelles et le niveau très bas des élèves ne permettent pas les ‘’succès’’ actuels si ce n’est la fraude.

« Mon enfant est instruit et mon enfant est admis sont différents », m’a récemment dit mon ancien professeur de philosophie, rapportant les propos d’un ancien directeur préfectoral de l’éducation (DPE) de Macenta.

Encadreurs, enseignants, Association des parents d’élèves et amis de l’école (APEAE) et délégués impliqués dans les examens dans la sous-préfecture de Sérédou font du tort aux élèves. Le nombre d’admis importe peu. Le plus important, c’est le niveau. Et les apprenants qui profitent de cette fraude gâchent leur avenir. La vie n’a pas de brouillon. Demain se prépare aujourd’hui.

J’appelle donc à une prise de conscience de tous les acteurs du système éducatif, de la base au sommet, de Sérédou à Conakry en passant par Macenta et N’Zérékoré. Comme le dit l’adage, « Tant vaut l’école, tant vaut la nation ».

Mamady 2 Condé, journaliste, ancien élève du lycée de Sérédou

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