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Double scrutin du dimanche 22 mars 2020 : Ce qu’en pense Ahmed Tidiane Diallo

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Journaliste, grand reporter et représentant Europe de l’hebdomadaire guinéen « Le Populaire », il vit actuellement à Orléans, dans le département du Loiret, en France. Il analyse le contexte du double scrutin de ce dimanche dans son pays natal. 

Votre pays d’origine, la Guinée, organise un double scrutin, législatif et référendaire, ce dimanche, 22 mars. Quels sont les enjeux de cette double consultation nationale ?
Merci de cette opportunité que vous m’offrez pour m’exprimer dans les colonnes du quotidien «Le Messager». Je commence par vous dire que la Guinée vit actuellement une période très mouvementée liée au double scrutin législatif et référendaire. Il est finalement reprogrammé pour ce 22 mars 2020 par un décret du chef de l’Etat guinéen, le Professeur Alpha Condé, après plusieurs reports. Les conditions de son organisation divisent la mouvance présidentielle et l’opposition. Chaque partie campe sur sa position. Mais dans les faits, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et ses partenaires techniques ont tripatouillé le processus. La preuve, dans son dernier rapport d’audit du fichier électoral, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) demande d’écarter 2,4 millions d’électeurs dont l’enrôlement ne s’est pas effectué dans les normes. Alors que la mouvance présidentielle estime que ce fichier, fondement essentiel du double scrutin, est le plus performant d’Afrique. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) vient d’ailleurs de confirmer les griefs de l’OIF dans un rapport publié il y a quelques jours. Cela réconforte la position de l’opposition dans sa décision de ne pas participer à ces consultations. Pourtant, les cartes d’électeurs sont déjà imprimées et distribuées. Les bureaux de vote sont déjà établis. La mouvance présidentielle tient mordicus à ces élections. Son objectif est de se tailler une majorité absolue et permettre au chef de l’Etat de se présenter pour un 3e mandat. Le Rpg Arc-en-ciel, au pouvoir, est engagé à ne pas accéder aux revendications de l’opposition qui nécessiteront tout un travail qui prendra encore du temps. Son seul souci, c’est d’aller vite aux élections pour satisfaire ses militants et sympathisants, parce qu’il ambitionne de conserver le Palais présidentiel Sékoutouréya. D’où son attachement au projet de référendum devant aboutir à un troisième mandat. Ce, avec les moyens coercitifs de l’Etat.

Ces élections législatives couplées au référendum vont se dérouler dans un climat sociopolitique tendu, marqué par plusieurs semaines de manifestations parfois avec des morts, les réserves de la Francophonie et de la Cedeao sans oublier l’appel au boycott lancé par les principales forces de l’opposition. Dans ce contexte, que peut-on attendre de ces concertations ?
L’opposition n’a que trois alternatives actuellement. Recourir aux institutions africaines et internationales via la Cedeao, l’Oif, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies, notamment à travers des émissaires pour trouver des concessions. Malheureusement, l’arrivée des émissaires de la Cedeao, annoncée depuis le mardi 17 mars à Conakry, la capitale guinéenne, pour relancer le dialogue a été finalement annulée. L’opposition exprimera son mécontentement dans les manifestations. Des manifestations sont prévues par le Front national pour la défense de la Constitution (Fndc) à la veille et le jour du double scrutin législatif et référendaire. C’est-à-dire samedi 21 et dimanche 22 mars. Le Fndc appelle à empêcher la tenue de ce double scrutin. Il faut donc s’attendre à des affrontements entre les militants du RPG Arc-en-ciel et les militants de l’opposition réunie au sein du Fndc. A cette allure, il est à parier qu’il y aura des arrestations, des blessés et même des pertes en vies humaines.

L’histoire de la Guinée, après plus de 60 ans d’indépendance, a souvent été mouvementée y compris sous Sékou Touré, le père de l’indépendance. Comment envisagez-vous l’avenir de votre pays, vous qui vivez désormais en France ?

Permettez-moi de vous résumer une partie de l’histoire de la démocratie guinéenne. Vous saurez combien les Guinéens attendent du président de la République de Guinée pour vivre l’alternance démocratique. Ahmed Sékou Touré devenu le père de la nation guinéenne pour avoir obtenu l’indépendance en 1958, s’est roué en dictateur jusqu’à sa mort en 1984. Le général Lansana Conté qui ne voulait pas le pouvoir a su donner la liberté tant attendue à son peuple avant de porter le manteau de la dictature jusqu’à son dernier souffle en 2008. Une dictature de quatre décennies qui est restée dans la mémoire collective des Guinéennes et Guinéens qui ont vécu ces périodes. La nouvelle génération n’est pas disposée à cautionner une nouvelle dictature qui va plonger le pays dans une impasse politique très certaine. De décembre 2008 à 2009, le pays a été géré par le capitaine Moussa Dadis Camara. De janvier à décembre 2010, le Général Sékouba Konaté a eu la volonté d’organiser des élections pour donner aux Guinéens une alternance démocratique qui a vu Alpha Condé se faire élire démocratiquement comme premier président depuis 1958. Mais toutes ces parenthèses ont été marquées par des violences d’Etat meurtrières avec leurs lots de morts, de mutilés, et d’exilés. Le président Alpha Condé, 82 ans, est à la fin de son deuxième mandat constitutionnel. Il devrait se féliciter de ce qu’il a accompli et laisser son successeur continuer, l’oeuvre de développement étant un processus. C’est à lui de jouer un rôle prépondérant en permettant, pour la première fois, dans l’histoire de ce pays, une alternance démocratique dont tous les Guinéens se souviendront. Cette occasion donnera l’opportunité à la diaspora guinéenne de s’impliquer davantage dans le développement de notre pays d’origine.

Recueilli par Jean-Celestin EDJANGUE

 

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