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« Face à la dictature d’Alpha Condé, nous devons nous réorganiser et agir », préconise Alpha Saliou Wann de l’AFD

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Je suis resté silencieux ces temps derniers, parce que j’ai compris que la dictature a gagné une victoire décisive : transformer les victimes en bourreaux.
Dès ma libération en juillet 2013, après mon acquittement au procès de l’affaire du 19 juillet 2011, j’ai compris cet enjeu en titrant une de mes premières tribunes : Les bouchers de Conakry.

En effet, pour le régime et ses relais médiatiques, les leaders politiques qui appellent à manifester ne font qu’envoyer les enfants d’autrui à la boucherie. À partir de là, toute l’attention est portée sur ces politiques aux cœurs insensibles, selon eux, et non sur le boucher en chef Alpha Condé et ses différents apprentis bouchers.

Un tollé général assourdissant aurait suffit pour l’arrêter comme le firent récemment les Maliens pour prouver à IBK qu’il ne pouvait pas les tuer impunément. Pour tous nos dirigeants, de Sékou Touré à Alpha Condé, nous ne sommes que du bétail à abattre impitoyablement, au point que certains en arrivent à s’offusquer outrageusement contre tous ceux qui se révoltent contre ce traitement inhumain et dégradant.

Aujourd’hui, en Occident, même les animaux sont protégés contre les mauvais traitements. Ils nous parlent de boucherie comme si la République est dirigée effectivement par des bouchers. C’est triste de constater que l’espoir de Liberté et de Dignité suscité par notre indépendance en 1958, s’est transformé rapidement en cauchemar pour les Guinéens. À chaque décennie, son lot de tueries. La répression sans répit a poussé à l’exil des millions de Guinéens.
Nous sommes le pays des occasions ratées et des luttes inachevées.

Nous avions raté encore le tournant historique de 2010 pour ancrer enfin notre pays dans la démocratie et l’Etat de droit. Pour notre plus grand malheur, c’est non pas un démocrate qui est arrivé au pouvoir comme nous l’espérions, mais plutôt un ancien leader étudiant à la conception stalinienne du pouvoir. Il pouvait donc faire bon ménage avec les éléments les plus rétrogrades de notre État profond d’obédience PDGiste.

Vous savez bien que le vrai combat des nouvelles forces du changement a commencé par l’insurrection populaire de janvier-février 2007. Les acteurs politiques ont surfés sur cette puissante vague jusqu’à l’élection présidentielle de 2010. Les massacres perpétrés respectivement le 22 janvier 2007 et le 28 septembre 2009 n’ont pas pu émousser l’ardeur des jeunes combattants de la liberté.

Face aux réticences d’Alpha Condé à respecter la Constitution, notamment l’organisation des élections législatives et locales, ils se sont encore remobilisés pour l’obliger à le faire. Mais, défiant toute logique, le même scénario s’est répété en 2015 et 2020.
De 2011 à 2015, l’opposition a organisé de puissantes manifestations pour obtenir la tenue des élections législatives et locales. Le pouvoir n’a concédé que la tenue des élections législatives en 2013.
Toutefois, lors de l’élection présidentielle de 2015, la plus décisive pour chasser démocratiquement le dictateur. Grâce à l’aide de quelques bonnes âmes, en réalité ses soutiens, ce dernier a réussi le tour de force de décourager les partisans du vrai vainqueur des élections à lancer l’estocade finale par des manifestations massives pour le pousser à la sortie.

Personne n’a bougé à cause d’une campagne agressive de dénigrement des manifestations. Au lieu de la tempête prévue, le calme a permis de valider la fraude électorale et donc le pouvoir illégitime.
Le même scénario vient de se répéter en 2020, malgré un contexte plus favorable pour l’opposition. Nous avions consenti d’énormes sacrifices depuis octobre 2019 contre le projet de 3ème mandat pour aboutir à l’apathie générale, à un profond découragement au moment clé où il fallait se mobiliser avec plus de force pour exiger le respect de la vérité des urnes. Quelle déception !

Ce qui est dramatique, c’est le fait de tout arrêter pour regarder le vainqueur Cellou Dalein Diallo sortir de son chapeau magique le fameux plan B attendu de tous. Quel terrible malentendu !
Il n’y avait aucun plan B autre que celui de sortir massivement pour faire partir le fraudeur retranché dans son palais. Tous les caciques du pouvoir étaient tétanisés par le choc de l’ampleur de leur défaite. Il fallait remarquer la mine d’enterrement de Kassory Fofana et Albert Damantang Camara à leur conférence de presse improvisée. Eux, ils n’ont pas attendu longtemps pour prendre l’initiative de la répression. C’est nous qui aurions dû occuper toutes les places dans nos fiefs pour revendiquer notre victoire, notamment, lorsqu’ils ont suspendu l’annonce des résultats par la synergie des radios. Malheureusement, comme je l’ai rappelé plus haut, chacun attendait que le miracle se produise.

Nous avons tous observé le temps de flottement qui a suivi avant que les puissances occidentales dont la France ne prennent acte du bout des lèvres de sa victoire. Il en serait autrement si nous avions maintenu la pression par des manifestations ininterrompues. C’est ce qui aurait pu encourager les acteurs internationaux à demander au perdant de reconnaître sa défaite.
Je vous citerai deux exemples emblématiques pour convaincre les sceptiques que c’était la meilleure stratégie : les élections de 2000 en Côte d’Ivoire et celles de la République fédérale de Yougoslavie de la même année.
À la présidentielle ivoirienne de 2000, à la tentative de confiscation de sa victoire par le général Guéi, Gbagbo réagit promptement en demandant à ses partisans de descendre massivement dans la rue pour faire échouer cette manœuvre. Face à la pression populaire, le général Guéi fut obligé de quitter le pouvoir en fuyant pour se réfugier dans son village.

Quant à Slobodan Milosevic qui avait survécu aux bombardements de l’OTAN, ce sont les manifestations post-électorales qui l’obligèrent à démissionner en octobre 2000. C’est cette révolution Serbe qui inspira les révolutions de couleur ( révolution des Roses en Géorgie en 2003, révolution Orange en Ukraine en 2004, révolution des Tulipes en Kirghizistan en 2005 et même la révolution du Cèdre au Liban en 2005). Ces révolutions ont eu lieu suite à des crises post-électorales. Ce sont les manifestations des opposants déterminés qui ont permis de chasser du pouvoir les dictateurs de ces pays.
Il est donc clair que ça n’a pas marché en Guinée, parce que la pression s’est plutôt exercée fortement sur l’opposition que sur le régime responsable des tueries. L’opposition a toujours suspendue ses manifestations au moment fatidique pour céder aux cris d’orfraies des soutiens du pouvoir. Ils ont semé le doute jusque dans les esprits des partisans de l’opposition.
Aujourd’hui, des voix s’élèvent de partout pour réclamer l’abandon de la stratégie gagnante avec cette phrase fétiche : « l’opposition doit changer de stratégie ».

Il a fallu plus d’un an de manifestations presque ininterrompues pour que le puissant clan de l’ancien premier ministre Éthiopien Meles Zenawi, qui a régné d’une main de fer un quart de siècle durant sur l’Éthiopie, assouplisse son étreinte avec l’arrivée au pouvoir de Abyi Ahmed considéré à l’époque comme un réformateur et un modéré.

La répression fût féroce en 2017, près de 1000 morts, mais les tueurs furent débordés et les tensions internes au sein de la coalition au pouvoir du FRDPE dont les caciques finiront par lâcher Haile Mariam Dessalegn ( successeur de Meles Zenawi en 2012) pour le remplacer par Abiy Ahmed originaire de la région Oromia épicentre des manifestations avec la région Amhara qui représentent plus de deux tiers de la population éthiopienne.
Ne pensez pas que la Guinée est un pays à part. De simples vendeuses et ménagères ont mis fin à la terreur du Responsable Suprême de la Révolution le 27 août 1977 en marchant jusqu’au Palais du peuple où elles ont conspuées le dictateur qui s’est enfuit devant leur furie. Qui l’aurait crû ? Le pouvoir était à terre, un téméraire l’aurait ramassé sans difficulté. Seule la peur empêchait les Guinéens de se libérer de l’oppression.

Le général Lansana Conté avait cédé à plusieurs reprises aux revendications des étudiants et des forces sociales au risque de perdre le pouvoir. Ce qui démontre la faiblesse des régimes guinéens qui n’avaient pas, en réalité, de solides assises populaires. Comment en serait-il autrement avec la paupérisation généralisée des populations ? Qui soutient aujourd’hui Alpha Condé? Dans ses bastions électoraux, ses partisans croupissent dans la misère. Ses promesses de prospérité économique ne sont pour eux, que des mirages aux alouettes.
Nos dirigeants ont tué nos espérances de liberté et de prospérité depuis notre indépendance en 1958. Ils n’ont fait que nous embastiller, tuer et humilier, d’où l’impérieuse nécessité de lutter pour arracher notre souveraineté populaire confisquée.

Mais, nous sommes en train de baisser les bras à une phase critique en ouvrant ainsi un large boulevard au ralliement des opportunistes au régime criminel.
Ne vous y méprenez pas, vous n’aurez pas pour autant la tranquillité espérée par votre abandon de la lutte. Cela ne fera que renforcer les extrémistes qui confirmeront que la violence paie. Ils accentueront leur domination implacable sur nos populations qui n’auront d’autre choix que la servitude ou l’exil.

La répression doit nous galvaniser à poursuivre la charge contre la citadelle jusqu’à la chute du tyran. Partout dans le monde, la liberté a un prix qu’il faut chèrement payer. Nous sommes obligés de nous battre durement pour l’obtenir, car le découragement sera pour nous un suicide collectif.
Nous devons nous réorganiser et agir avec plus de professionnalisme pour gagner. Ce régime est très affaibli politiquement, isolé diplomatiquement, le pays est ruiné financièrement et sinistré économiquement. Nous pouvons l’abattre pour instaurer enfin la démocratie et l’Etat de droit dans notre pays.

 

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