Guinée-Bissau : la CEDEAO envoie des soldats pour assurer la sécurité du président Embalo
Les chefs d’État de la Cédéao ont annoncé que des soldats allaient être déployés en Guinée-Bissau sans préciser le calendrier ou le nombre de soldats envoyés. Cette annonce fait suite aux troubles de mardi, une attaque contre le palais du gouvernement qualifiée de « tentative de coup d’État », dans laquelle 11 personnes ont été tuées, selon le bilan officiel. Un deuil national a été décrété. « Les recherches se poursuivent pour retrouver les assaillants en fuite », indique une source militaire.
Au sol, douilles et traces de sang
Le président Umaro Sissoco Embalo a reçu ce vendredi matin des représentants de partis politiques venus exprimer leur « solidarité ». Plusieurs jours après l’attaque contre les institutions, les marques de la violence des affrontements à l’arme lourde restent bien visibles. Ce vendredi, des pompiers étaient en train de nettoyer le sol avec des balais, à grandes eaux, devant le palais où l’on pouvait encore voir des traces de sang et quelques douilles de munitions sur le sol.
À l’entrée, deux des portes vitrées ont volé en éclats, répandant ainsi des débris de verres sur le devant du palais présidentiel où, là encore, des traces de sang apparaissent. L’intérieur, lui, n’a pas encore été nettoyé. Dans la salle du Conseil, où était donc réunis le président et les ministres mardi, rien n’a bougé. Des ordinateurs ont été laissés sur la grande table rectangulaire, certains sont toujours ouverts. On y trouve aussi des dossiers et autres documents datés du 1er février.
Le président s’est caché dans une salle technique
Selon des responsables militaires, le président Umaro Sissoco Embalo serait sorti de cette salle durant l’attaque par la porte de derrière pour aller se cacher dans une salle technique, derrière un placard électrique. Et dans cette salle, sur la fenêtre, on peut voir un éclat de balle. D’autre part, le bureau du directeur financier a été complétement mis à sac.
Peu de monde était présent ce vendredi au palais du gouvernement hormis des militaires montant la garde, mais sans dispositif de sécurité particulièrement impressionnant. Le conservateur du bâtiment était également présent, mais les fonctionnaires, eux, ne sont pas encore revenus travailler.
Ces évènements ne sont pas sans rappeler de mauvais souvenirs aux Bissau-Guinéens, dans un pays marqué par une instabilité politique chronique.
Au marché de Bandim, où s’est rendue notre envoyée spéciale Charlotte Idrac, Dino Augustinio tient un stand de boucherie. Pour lui, de nombreuses zones d’ombre demeurent dans les évènements de mardi.
« Je ne comprends pas bien tout ce qui s’est passé. Il faudra une vraie enquête. On nous dit « c’est un coup d’Etat », mais on ne sait pas qui est l’a commandité, qui est responsable. On manque d’informations. »
La drogue mine le pays
Après de multiples tentatives de putschs depuis l’indépendance, le pays est « en marche arrière », selon Bruno Braia Mango. « C’est grave pour le pays. La population de Guinée-Bissau est fatiguée, on essaie de travailler, et quand il y a ces problèmes, les gens viennent moins au marché, les affaires ne marchent pas. On est tellement fatigués. »
La vie a repris son court, mais cette jeune femme n’est pas rassurée. Pour Aissatou Cassama, mère de famille, les querelles politiques ne doivent pas faire oublier les vrais problèmes.
« Ma priorité c’est de gagner ma vie, dit elle, de nourrir ma famille, de financer l’école de mes enfants. C’est très compliqué, le pouvoir, le gouvernement doit s’occuper de nos problèmes. »
Parmi les représentants de partis politiques que le président Umaro Sissoco Embalo a reçus figure Idriça Djalo, président du Parti de l’unité nationale (PUN). Il déplore « la violence politique inouïe » du pays, essentiellement liée selon lui au trafic de drogue : « Le narcotrafic est devenu un cancer pour la société bissau-guinéenne. Quand on parle de tonne de drogue, on parle de centaines de millions d’euros. La guinée-Bissau est devenue l’otage de ce trafic de drogue international et je pense que ce pays doit faire appel à la solidarité internationale, aux Nations unies et ses structures de lutte contre la drogue et peut-être même demander l’assistance de la DEA [l’agence anti-drogue américaine, NDLR]. »
rfi.fr