Lettre ouverte aux représentants de la communauté sous-régionale, régionale et internationale (la CEDEAO, l’UA, l’UE et l’ONU) en Guinée

On profite de cette occasion pour vous écrire suite à votre position commune et vos sanctions infligées au peuple de Guinée après la prise du pouvoir par la force de CNRD.

Tout d’abord, nous ne nous trompons guère en vous disant clairement que nous aimons la Guinée et la connaissons plus que vous. Il est tout à fait normal que vous pensiez mettre de pressions à la junte militaire pour qu’elle rende le plus rapidement possible le pouvoir aux civils et aussi pour dissuader les autres forces de tenter des coups similaires ailleurs. Cependant, on se demande bien qu’elle est réellement la différence entre un président de la république qui a tripatouillé la constitution après ses deux mandats sous prétexte que le peuple lui en avait demandé et son renversement par la force qui prétend aussi que le même peuple lui en avait encouragé. Apparemment, le premier est votre ami et le second ne l’est point.

Si vous vouliez vraiment que les coups d’Etats cessent en Afrique, il est donc le temps que vous vous parliez franchement pour que personne d’entre vous ne pense à modifier la constitution de son pays pour le seul but de se maintenir au pouvoir. Peu importe la durée d’un mandat présidentiel mais deux devraient largement suffire. Beaucoup d’entre vous aiment dire qu’il faut trouver d’abord leurs remplaçants et oublient que leurs pays vont continuer à exister après leurs éventuelles disparitions soudaines et les coups d’état sortis de nulle part. Personne n’est irremplaçable dans cette vie et vous devriez faire confiance à vos peuples de décider de qui viendraient après vous. Avant tout, on aurait naturellement la vie facile et tranquille après la présidence si on a vraiment servi notre peuple et a été équitable entre nos contemporains.

Pour revenir à la Guinée, nous avons un sérieux problème que vous n’arriviez l apparemment pas à saisir sa moindre facette. Tout ce que Sekou Toure y a fait, il a prétendu d’avoir le mandat national de le faire. Tel a été le cas du Général Conte, du Capitaine Dadis Camara et d’Alpha Conde. C’est pourquoi on n’est guère surpris quand le CNRD prétend aujourd’hui qu’il a été encouragé par le peule de renverser le président Conde et que ce serait ce seul peuple qui déciderait de la durée de la transition. Dans toutes ces histoires, une chose a été claire, tout a été imposé aux Guinéens et tout le monde a prétendu et prétend de les servir. Les résultats sont et seraient là si ce qu’ils ont prétendu et prétendent aujourd’hui étaient et seraient vraiment pour servir le peule ou se servir eux-mêmes. Contrairement à beaucoup de Guinéens, je ne serais plus naïf même si je garderai toujours mon optimisme quant au futur de notre pays dans la paix et le dans le développement socio-économique.

Ensuite, on est entièrement d’accord avec la plupart des mesures que vous avez prises contre la junte telles que les interdictions de voyager, de geler leurs biens, les suspensions du pays de prendre parts aux instances de la CEDEAO ainsi que la libération de l’ancien président. Il faut maintenir constamment ces pressions aux militaires car le pouvoir peut rendre fou. Seulement, votre ami doit savoir que c’est bien fini pour lui maintenant et doit démissionner immédiatement pour que les Guinéens puissent tomber rapidement d’accord sur un chronogramme de la transition qui vous serait présenté.

De plus, la période de transition pour une durée de six (06) mois est irraisonnable pour la Guinée que nous connaissons et que vous ne semblez pas vous préoccuper de sa paix. Probablement vous vous êtes dit que le président Alpha a organisé trois élections présidentielle, législatives et référendum il n’y a pas une année. Pour vous, le pays a déjà un fichier, il serait facile de reconstruire la CENI et le seul détail qui manquerait à la force militaire serait le budget des élections. Et vous alliez trouver rapidement ces fonds nécessaires. Vous vous trompez naturellement. Savez-vous combien de Guinéens sont morts depuis 2010 et à chaque élection organisée par l’ancien régime? Savez-vous qu’on a toujours certains Guinéens qui n’ont même pas accepté les résultats des élections présidentielles de 2010?

Nous penserons qu’une période d’au moins un an et de deux années au maximum serait raisonnable de doter le pays d’une constitution qui serait adoptée dans les bonnes conditions pour empêcher ses éventuelles modifications purement égoïstes dans le futur; de recenser tous les Guinéens vivant dans le pays et ailleurs qui seraient électeurs; de mettre les hommes intègres à la CENI et à ses démembrements, de réconcilier les Guinéens, … pour enfin aboutir aux vraies élections des élus par le seul peuple. Si vous nous précipitiez à organiser des élections rapidement avec ce fichier en place, avec certains Guinéens qui penseraient être plus matures que les électeurs pour choisir leurs élus, avec les regroupements ethniques prétendant être des partis politiques, …. vous risqueriez de brûler notre pays. Vous auriez alors beaucoup de sangs guinéens sur vos mains. Vous ne voudriez pas ça et nous non plus.

En espérant que votre inquiétude est bien de l’instauration de la Démocratie en Guinée mais qui serait obtenue dans la paix et la cohésion sociale, veuillez tenir en compte notre remarque qui éclaircirait sans doute votre position sur la future transition de la Guinée.

Ibrahima Kandja Doukoure, New York.