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Troisième mandat en Guinée : On ne peut venir en Mandela, régner en Borgia et se maintenir*

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Pour un guinéen, il faudrait avoir perdu le sens du patriotisme pour ne pas baisser les yeux face au spectacle et à la résignation que nous offrons à l’Afrique et au reste du monde. Au point que Lamarana-petty Diallo se demande si la Guinée serait une patrie sans patriotes.

Premier pays indépendant de l’ex-Afrique occidentale Française, qui oserait s’en vanter aujourd’hui ? Nous avons suscité tant d’espoirs pour le monde noir en général et le monde colonisé en particulier.

Notre pays a été fêté par les plus grands intellectuels et hommes politiques des années 1960. Ecoutons plutôt l’un deux, Aimé Césaire qui disait : « Ce qui se passe actuellement en Guinée, ce n’est pas seulement le sort de la Guinée qui s’y joue, c’est le sort de l’Afrique. (…) Jamais pays n’a eu, comme la Guinée (…) à prouver que la communauté humaine qui s’appelle la nation est méditation vivante à la liberté et à la fraternité ». Préface de « Expérience Guinéenne et Unité Africaine », in Présence Africaine, mars, 1960.

Où sont passées la liberté et la fraternité célébrées par tant d’enthousiasme et de verve par le Chantre de la culture noire ? On disait « Culture Nègre » à l’époque, sans aucun sens péjoratif.

Guinéennes, Guinéens, le temps est venu de nous questionner sur ce que nous avons fait de notre liberté chèrement acquise. En effet, si septembre 58 s’est gagné autour de la table, combien de nos héros sont tombés pour que cela soit ?

Guinéennes, Guinéens, qu’avons-nous fait de l’euphorie des lendemains heureux à venir contenus dans cette déclaration qui ébranla le système colonial séculaire tant en Afrique que dans les autres pays afro-latino-indo-asiatiques ?

Pour cela, prêtons l’oreille et écoutons la voix vibrante et sonore de Sékou Touré le 25 août 1958 : « Nous avons quant à nous, un premier et indispensable besoin, celui de notre dignité. Or, il n’y a pas de dignité sans liberté. Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage ».

Guinéennes, Guinéens, si Sékou Touré a failli, pourquoi n’arrivons-nous pas à assumer collectivement cette parole historique tant et si bien que Sékou est un individu, alors que nous, nous sommes une nation, un peuple, un pays, une patrie ? Je veux dire comment avons-nous fait pour échouer autant ?

Si l’homme Sékou a failli, dis-je, pourquoi traînons-nous le boulet de l’échec en ne réussissant pas à réaliser le rêve d’un seul homme ? Ou bien cet homme traînait lui-même nos faillites collectives ; qu’il serait le fruit de ce que nous sommes, tout simplement.

Le temps est venu de nous débarrasser de l’échec ; de l’habit du deuil et du manteau de la peur.

Guinéennes, Guinéens, nous devons perdre la faculté d’avoir peur pour faire face : face à nous-mêmes, face à l’Afrique et au monde entier. Cette Afrique qui nous a tant envié et fêté.

Jacques Rabemananjara, poète malgache de la Négritude ne disait-il pas, de l’éclat de notre indépendance et en écho à  Césaire: « Avec l’indépendance de la Guinée, impossible de feindre. Ou admirer ou maudire. (…) Lancée comme une gageure, brandie comme un défi, cette indépendance-ci ne ressemble pas tout à fait aux autres (…). Elle tranche sur ses aînées par son origine de pile ou de face, par son caractère de bravade qui lui prête une allure, à la fois provocante et séduisante. (…) L’affaire guinéenne éclipse n’importe quelle autre initiative en Afrique ». « Variations sur le thème guinéen », in Présence africaine, n°29, 1959.

Guinéennes, Guinéens, pourquoi n’avons-nous pas pu choisir entre pile et face jusqu’à présent ? Sommes-nous restés sourds aux paroles de ces grands hommes d’antan ? Avons-nous oublié les sacrifices consentis ? Qu’est-ce qui expliquerait que ce soit plutôt nous qui soyons éclipsés aujourd’hui.

Plus près de nous, n’avons-nous pas entendu les propos de l’Imam Dicko du Mali face à la menace qui pesait sur sa patrie : « Je préfère mourir en martyr que vivre en traî-tre ». Des paroles qui résonnent comme celles lancées par l’almamy Samory Touré face au colonisateur : « Quand l’homme refuse, il dit non ».

Chers compatriotes, nous avons assumé le non du 28 septembre 1958 pour nous libérer du joug colonial. Il est de notre devoir d’assumer le non au troisième mandat d’Alpha Condé pour nous libérer du poids de cet autre colonisateur issu des entrailles de l’Afrique.  N’est-ce pas que la morsure du chien d’autrui fait moins mal que celle de notre propre chien ?

Nous avons pu donner un coup de pied au colonisateur. Ne pouvons-nous pas faire autant contre notre dictateur venu en Mandela pour régner en Borgia ?

Chers compatriotes, les hommes politiques doivent être conséquents, intrépides, patriotes au cas échéant qu’ils figurent parmi ceux-là qu’il convient de chasser. On ne peut soutenir une chose et son contraire au risque de se dévoyer ou de se comporter en apatride.

Les hommes politiques, je ne parle même pas du front national pour la défense de la constitution, (FNDC) ont clamé leur opposition farouche à tout ce qui favoriserait un troisième mandat en Guinée : nouvelle constitution, assemblée nationale, commission électorale nationale indépendante dans sa configuration actuelle et tout ce qu’il a accouché en violation du code électoral.

Le peuple de Guinée a besoin de clarté. Il voudrait savoir à qui il a finalement à faire tant en ce qui concerne le pouvoir que l’opposition. Il a besoin de lisibilité. La nécessité impose de savoir s’il n’y a qu’un pouvoir en Guinée : que partagerait le système en place et une opposition qui ferait croire qu’elle est en conquête alors qu’elle serait complice.

Une seule réponse à cela. Respecter le contrat tissé avec le peuple : empêcher le troisième mandat par tous les moyens et ne jamais compétir avec un candidat illégitime, fossoyeur et sanguinaire.

Guinéennes et Guinéens, tant de nos hommes politiques nous ont grugés, menti, asservi, manipulés depuis plus de 60 ans.

Il est tant que nous nous libérions comme les autres peuples en les obligeant à nous respecter ou à partir.  Et ce qui a été possible en 1958 l’est aujourd’hui. Ce qui a été possible ailleurs peut l’être en Guinée.

Il faudrait que nous refusions qu’on nous promette de chasser un dictateur pour qu’au final nous mettre dans un choix cornélien.

Le devoir patriotique doit l’emporter sur l’amour ou la fidélité à un homme politique, fusse-t-il notre propre père.

La patrie n’a pas de concurrent. Elle ne se pose pas en termes de choix. Elle est, reste et demeure une et indivisible. Notre devoir inaliénable à la liberté doit être sauvegardé.

Chers Guinéennes et Guinéens, s’il n’y a plus de patriote au singulier, alors soyons tous patriotes au pluriel pour montrer au monde entier que nous aussi, nous sommes des Africains. Nous sommes un peuple débout en 2020 comme nous l’étions en 1958.

Dans cette posture, nous devons virer tout dictateur, tout acolyte, tout faux opposant qui contribuerait à légitimer un troisième mandat en Guinée en se retrouvant sur un bulletin électoral avec Alpha Condé.

C’est cela notre devoir patriotique. Ainsi, à défaut d’un patriote pouvant raviver la Fierté Guinéenne à la face de l’Afrique et du monde, le peuple aura au moins montré qu’il reste et demeure celui du 28 septembre 1958.

Surtout, nous aurions montré que la Guinée reste une patrie qui a bel et bien des patriotes.

Que sûrement un se cache dans l’entité nationale que nous formons.

*Borgia (Rodrigo) 214 è Pape (Alexandre VI) qui régna de 1492 à 1503 par la corruption, l’assassinat et les mœurs dissolues.

Par Lamarana-petty Diallo

lamaranapetty@yahoo.fr

 

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