Dispenser des cours en ligne à tous les élèves : la réplique cinglante d’un citoyen au ministre de l’éducation
Monsieur,
Votre nomination à la tête du ministère de l’éducation nationale avait suscité beaucoup de débats dans le pays, vu votre passé d’enseignant peu recherché. Mais dans notre éternelle résignation, nous avons fini par vous accepter.
Depuis plus de trois ans, les élèves de Guinée n’ont jamais réussi à faire plus de six( 06) mois de cours sur neuf (09) possibles dû aux interminables grèves dans le système éducatif que vous ne parvenez d’ailleurs pas à solutionner. Est-ce là vos limites managériales ?
Cette année semble être la pire des années scolaires depuis l’année scolaire 2000-2001.
Vous venez de prendre la parole, certes pour sauver cette année scolaire, mais moi et comme beaucoup d’autres compatriotes, estimons que cette sortie est maladroite, à la limite insultante pour nos conditions de vie.
Monsieur le Ministre,
Un homme public doit réfléchir, avant de prendre la parole ou d’agir. Car le peuple vous écoute, vous regarde et vous suit. Quand vous faites un pas, le peuple le fait avec vous. Vos décisions impactent la vie du peuple. Vos erreurs, conduisent le peuple dans la perdition.
Monsieur le Ministre,
Vous voulez sauver l’année scolaire, et pour cela vous proposer de dispenser les cours numériques, télévisés ou peut être par la radio. Merci beaucoup pour l’initiative.
Qui ne souhaite pas la reprise des cours? Qui ne souhaite pas une telle innovation ?
Mais même naïfs, nous pourrions vous poser une simple question de bon sens.
– combien d’enfants guinéens ont-ils droit à l’éducation et combien auront droit à ces cours numériques à distance ? Cela n’engendre-t-il pas des favorisés et des défavorisés ; ou bien Monsieur le ministre a un projet de distribution de postes téléviseurs, d’ordinateurs, de Smartphones aux familles, même dans les localités où il n’y a ni électricité, ni kits solaires, ni télévision ?
Les bonnes intentions, lorsqu’elles s’expriment au mépris des réalités du peuple, s’avèrent être une insulte à l’intelligence collective des guinéens.
Monsieur le Ministre,
Le Guinéen de 2020, ne pourra pas cautionner ce favoritisme. Nous ne pouvons pas être complices, ni être assistants passifs à de telles mesures disproportionnées qui ne visent qu’à stimuler quelques émotions et voiler l’incompétence de votre gouvernement.
Si vous avez un projet de dilapidation de fonds comme d’habitude, épargnez nous.
La crise sanitaire qui sévit en Guinée, et ailleurs dans le monde, n’est pas arrivée par la faute d’un quelconque guinéen. Mais, votre gouvernement est complice et responsable de la fragilité de notre système sanitaire, scolaire, sécuritaire….
Monsieur le Ministre,
Votre silence face à la mort des élèves dans les manifestations, l’emprisonnement des enseignants, le gel des salaires de certains enseignants pour faits de grève, ne nous rassurent. Et tant que vous serez fiers de porter le message de répression, du mépris vis-à-vis des enseignants, des élèves, au sein de votre gouvernement et d’en être acteur clé ; vous serez traités comme ennemi de l’avenir de notre nation…
Tenez, depuis le mois de janvier, savez- vous que la majorité des élèves guinéens sont à la maison, pour cause de grève de leurs encadreurs ? Par votre refus de rencontrer le syndicat gréviste, vous violez le droit des enfants à l’éducation. Comment d’un coup, vous suggérez des cours numériques ? Les pourcentages d’évolution des programmes que vos cadres vous balancent sont totalement faux. A part les écoles privées, les écoles publiques sont sans cours. Quand vous faites semblant de payer le travailleur, il fera semblant de travailler aussi. C’est à ce jeu l’enseignement public se joue de vous.
En encourageant les cours numériques, à partir de quelle leçon chaque niveau pédagogique démarrera, les uns étant en avance par rapport aux autres ? Comment se feront les évaluations de fin d’année, des examens nationaux ?
Monsieur le Ministre,
Aujourd’hui, vous avez le cas du personnel enseignants des écoles privées, quelles solutions avez-vous envisagé ? Je vous rappelle que le secteur de l’enseignement privé est le principal employeur des diplômés guinéens. Vous avez les statistiques, je ne vous apprends rien dans ce sens, mais je vous signale la précarité des emplois que vous auriez dû régler depuis belle lurette, malheureusement, la politique et l’incompétence de votre département sont passées par là.
Monsieur le Ministre,
Vous ne pouvez pas conduire toute cette masse de salariés au chômage sans mesure d’accompagnement. Ce serait méchant, voire cruel de la part de votre gouvernement de le faire ainsi, mais, connaissant votre « humanisme », nous ne serons pas surpris de les voir dans les rues déambuler pour soutenir leurs familles en cette période difficile.
Vous êtes face à l’histoire et entrez y par la grande porte, contredisez tous ceux qui ont douté de vous dès le début, en prenant des décisions courageuses. «L’histoire sait recenser et comptabiliser les actes de tout un chacun pour les mettre à son actif ou à son passif en temps opportun.»
Robert Kamano, citoyen guinéen vivant dans la peur du COVID-19.