Aicha Kallo : « j’ai appris le sens de partage dès l’enfance »

Manager à NAZ project, Aicha Kallo est une consultante en santé publique très brillante. La jeune femme à multiples casquettes a un parcours exceptionnel. Elle met son talent et son humanisme à profit pour venir en aide aux plus démunis.
Depuis l’apparition des premiers cas de coronavirus en Guinée, elle est sur tous les fronts dans la lutte contre la pandémie qui comme des nombreux pays africains, a creusé l’extrême pauvreté dans le pays. Aicha Kallo est active sur les réseaux pour mobiliser les bonnes volontés pour collecter des fonds qui servent à préparer et distribuer des repas chauds aux plus pauvres.
Verite224.com s’est intéressé à cette jeune femme qui, loin de son pays, fait bouger les choses. Cette semaine, nous publions l’interview qu’elle a accordée à notre journal. Lisez.
Verite224.com : vous êtes très active à travers votre structure caritative à venir en aide aux plus démunis en cette période de crise sanitaire et du moins saint de Ramadan. Parlez-nous tout d’abord de votre association ?
Aicha Kallo : tout d’abord, je tiens à préciser que je n’ai pas une association mais nous avons plutôt mis en place une plateforme de riposte contre la Covid19 après que la Guinée ait connu ses premiers cas.
Notre objectif premier était d’appuyer les efforts des organisations à but non lucratif en apportant notre expertise ou /et en faisant des levées de fond pour celles qui rencontrent des difficultés.
Apres quelques temps, nous avons jugé nécessaire de poser des actions humanitaires telles qu’offrir des repas chauds aux plus démunis, leur distribuer des habits, payer certaines de leurs ordonnances et amener quelques malades parmi eux á l’hôpital.
Nous avons également soumis une feuille de route pour la riposte au virus Covid-19 au niveau du Comité Scientifique, ce qui a d’ailleurs attiré leur attention sur les différentes problématiques que la gestion de la crise connait.
Parallèlement, nous continuons à dénoncer les différentes failles que nous voyons dans la gestion de cette pandémie sur les réseaux sociaux.
Nous avons aussi planifié des journées de sensibilisation dans les communes de la capitale. Pour ce fait, nous sommes présentement en pourparlers avec l’Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire (ANSS) pour commencer à mener nos activités de sensibilisation sur le terrain.
Madame, Nous vous voyons très présente sur les réseaux sociaux pour un appel à la collecte de fonds et vous distribuer après des repas aux nécessiteux. Comment ça se passe ? Comment vous vous organisez ?
Comme vous le savez, les sans-abris sont la plupart du temps des mendiants. Ils passent leurs journées en contact avec des centaines de personnes, ce qui augmente le risque d’exposition au virus. Pour palier à ce problème, nous nous sommes donc dit qu’il est nécessaire de les assister à trouver de quoi mettre sous les dents, dans l’espoir de les éviter de passer autant de temps dehors. C’est de là qu’y ait née l’idée de leur distribuer des repas chauds pendant cette pandémie
Pour ce fait, nous avons créé un fond solidaire et une page Facebook qui nous a permis de nous faire remarquer à travers le partage des images de nos activités.
Grâce à notre présence sur les réseaux sociaux, nous avons pu faire les levées de fond et reçu des dons de personnes de bonne volonté.
La cuisine et la distribution des plats se font avec l’aide des bénévoles.
Pendant le mois de Ramadan, nos distributions se faisaient avant l’heure de la rupture mais à présent, nous allons dispatcher entre midi et 14 heures, l’heure du déjeuner.

La pandémie de Coronavirus a trouvé la Guinée confrontée à une pauvreté aigüe. Selon vous comment vous apercevez la situation de la pauvreté dans notre pays ?
Selon les dernières données que j’ai lues, il paraitrait que 60% des guinéens vivent en situation de pauvreté et dans les zones rurales, il s’agit même de 65% de la population, ce qui est énorme. Après cette crise sanitaire, je crois fermement que la disparité entre les pauvres et les riches ne fera que s’accentuer malgré la mise en place de l’Agence Nationale d’Inclusion Economique et Sociale (ANIES) et l’allocation de 15% des recettes fiscales minières à l’ANAFIC, pour favoriser un développement à la base des communautés. Il est donc primordial que le gouvernement pense urgemment á l’après covid-19, s’ils ne veulent pas voir plus de personnes vivre en-dessous du seuil de pauvreté monétaire. Je tiens à préciser qu’aucun pays ne sera à l’abri de cette crise économique vu le ralentissement des activités économiques mondiales depuis en mars.
Vos actions vont-elles continuer. Si oui comment vous allez faire pour que votre initiative soit durable ?
Notre objectif est de continuer à distribuer la nourriture aux plus démunis jusqu’á la levée de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le gouvernement mais comme je l’ai dit plus tôt, c’est à travers les dons reçus que nous arrivons á mener nos activités. La pérennité de nos actions dépendra donc de vos dons.
Une question peut-être pas comme les autres. Quand vous faites du bien, vous rendez service, qu’est-ce que vous ressentez ?
Le sens de partage, je l’ai appris dès l’enfance. Mes parents croyaient vigoureusement que c’est en partageant qu’on arrive à mettre à l’abri sa progéniture. Ils m’ont enseigné que donner aux plus démunis est un privilège donc pour répondre à votre question, comment je me sens lorsque je partage ou sers les autres ? Je me sens juste humaine donc normale.
Vous êtes aussi entrepreneure, comment vous conciliez l’entrepreneuriat à l’humanitaire ?
Oui, je suis une femme qui a plusieurs casquettes. Je suis entrepreneure, consultante et cheffe de projet. Pour concilier plusieurs fonctions, je crois qu’il suffit juste d’être bien organisé, de sacrifier des heures de sommeil, d’être focalisé sur ses objectifs, de s’éloigner des distractions et par-dessus tout, d’avoir de la passion pour ce qu’on fait. Avec ces ingrédients, la conciliation devrait se faire avec peu de difficultés.
Votre mot de la fin.
La gestion de la crise contre la covid19 nous a prouvé une fois de plus que l’Etat doit investir dans notre système de santé, prioriser l’éducation et mettre en place un système adéquat pour épauler les plus démunis. J’espère de tout mon cœur que cette crise va nous permettre de restructurer notre système sanitaire qui est assez précaire. Pour Finir, je tiens à vous remercier pour l’intérêt que vous avez porté à notre humble action.
Entretien réalisé par Ousmane Diallo